Le Secret du Dr Bougrat : du fait divers à la postérité littéraire

Couverture Le Secret du Dr Bougrat, Paris, Phébus-Libretto, 2000, 467 p.

 

Si les exploits de l’emblématique bagnard Papillon n’ont plus de secret pour personne, ceux du docteur Bougrat, en revanche, restent auréolés de mystère.

Dans Le Secret du Dr Bougrat, Christian Dedet lève le voile sur cette affaire et sur la destinée incroyable de cet homme.

Médecin à Marseille, le docteur Pierre Bougrat est accusé du meurtre de l’encaisseur Jacques Rumède, un de ses anciens camarades de la Grande Guerre qu'il soignait et dont le corps en décomposition fut retrouvé chez lui en 1925. Condamné sans preuve, Bougrat est envoyé au bagne de Cayenne le 12 septembre 1927 et parvient à s’en évader en 1930. Au terme d'un périple éprouvant, il s'établit au Vénézuéla, sous la dictature de Gomez. Il trouve alors la sérénité en exerçant sa profession, à la manière d’une expiation, auprès des démunis qu’il soigne gracieusement. Il devient alors un mythe, presque un saint. Il épouse Magdalena Strochia qui lui donne quatre enfants et meurt en 1962, à l’âge de 73 ans, sans avoir vu son procès révisé.

Dans son récit, Christian Dedet innocente le docteur Bougrat en optant pour l’accident thérapeutique plutôt que l’assassinat. Il défend l’honneur bafoué du médecin mais son récit demeure objectif et neutre, sans jamais verser dans la morale édificatrice.

L’écrivain raconte cette évasion à la manière d’une odyssée : les rencontres dépaysantes se succèdent, de celles avec les orpailleurs à celles avec les Indiens, sans oublier les chasseurs de papillons.

Me dire, me répéter qu'en moi ils ont tué la réputation, l'apparence sociale, ce qu'ils croyaient être l'honneur... Ils n'auront pas ma peau.

Le Secret du Dr Bougrat - Citation de Pierre Bougrat pendant sa traversée vers le bagne

 

Sur les pas du Docteur Bougrat

Une enquête vivante

A partir de l'une des plus retentissantes affaires de l'entre-deux-guerres, l’auteur de La Mémoire du fleuve s'est livré à une enquête minutieuse sur les traces du docteur Bougrat jusqu’à parvenir à retracer son itinéraire véritable. Cet important travail de recherche sur l'époque de la France des bagnes est préservé dans ses archives et témoigne d'un parcours exceptionnel tout en attestant de la nécessité du matériau documentaire comme base de création pour ce projet littéraire.

Pendant l'élaboration de l'oeuvre, Christian Dedet investit des lieux où Pierre Bougrat séjourna pendant sa "cavale" (Venezuela, villages Wayanas d'Aloïké et d'Emboula Soula du Haut Maroni, etc.) et y a récolté des informations essentielles, notamment sur la réputation du docteur. Il a aussi échangé des courriers avec un médecin exerçant en Guyane au moment de l'évasion de Bougrat, qui lui relata, d'après les rumeurs les plus plausibles, le parcours du fugitif.

Il s'est procuré une copie de Sottavento, le livre du Dr "Pedro" Bougrat et a eu l'occasion d'explorer des archives familiales et privées consacrées à l'affaire.


Un "secret" dépouillé


Christian Dedet a eu recours à de nombreuses autres sources, à commencer par des revues de médecine (Histoire de la Médecine), certainement pour valider l'innocence du docteur. Il a obtenu des documents institutionnels et juridiques comme le « Dépôt des condamnés aux travaux forcés » du Ministère des Colonies, qui l’ont renseigné sur le passage du docteur au bagne (conduite, instruction, caractère, profession exercée pendant sa détention).

Christian Dedet a investi le support audio pour mener à bien son enquête sur Pierre Bougrat. Ses archives comportent des cassettes d'un entretien avec Guy Girault, ami de Christian Dedet et demi-frère de Géraldine, comtesse hongroise qui devint reine d'Albanie de 1938 à 1939 - Joséphine Dedet, la fille de l'écrivain, lui consacra d'ailleurs la biographie Géraldine, reine des Albanais en 1997. Cette discussion renseigne l'écrivain sur la vie au Vénézuéla, telle que Pierre Bougrat avait pu la connaître. En voici quelques extraits :

G. Girault parle de la vie au Vénézuéla

- G. Girault parle du Venezuela

G. Girault décrit Pierre Bougrat et son cabinet médical

- G. Girault décrit Bougrat

G. Girault parle de Pierre Bougrat et de sa douleur quant à sa condamnation injustifiée

- G. Girault parle de la condamnation de Bougrat

G. Girault évoque le ressentiment de Bougrat vis-à-vis des Français

- G. Girault parle du rapport de Bougrat aux Francais


Le fonds d'archives indique également que l'écrivain s'est longuement documenté sur la vie au bagne dans la France de 1930 en consultant des livres de l'époque consacrés plus précisément à l'abus de pouvoir des surveillants du bagne de Cayenne, à l'instar d'Un Médecin au bagne (1930) du Dr Louis Rousseau ou encore Bagne (1935) de Mireille Maroger.

 

 

Une grande partie du fonds est composée de coupures de presses. Il s’agit d’articles de journaux d'époque relatant l’avancée de l’affaire aux Assises – articles fonctionnant à la manière d'un feuilleton à suivre – mais aussi d’articles plus récents, jusqu’aux polémiques avec la fille de Jacques Rumède persuadée que Bougrat était bel et bien coupable.


C'est une affaire passionnante, entre justice partiale, enfer carcéral et vie d'aventurier, que nous fait revivre Christian Dedet dans ce roman, et dont les archives constituent les coulisses de la création.

 

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