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L'atelier de l'écrivain : les archives littéraires

 

 

La Bibliothèque du patrimoine de Clermont-Ferrand, soucieuse de valoriser le patrimoine écrit dont elle est dépositaire, vous propose de découvrir son riche fonds d'archives littéraires qui comprend les fonds de Jean Anglade, Christian Dedet, Amélie Murat, Henri Pourrat, Roger Quilliot, Pascal Riou, Jean-Pierre Siméon, Jean Vissouze et des éditions Cheyne.

Ces archives, collectées au fur et à mesure des années, témoignent de la diversité de la création littéraire française. Elles inscrivent aussi le parcours artistique des écrivains et éditeurs titulaires de ces fonds dans le territoire culturel de l'Auvergne, terre d'enracinement ou d'adoption.

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Les fonds

Le fond Henri Pourrat

Elles n'ont rien de trop gai, les forêts qui s'en vont sur ces plateaux, du côté de la Chaise-Dieu. Des sapins, des sapins, des sapins, jamais une âme. Les chemins sablonneux s'enfoncent de salle obscure en salle obscure, parmi la mousse et la fougère, sous ces grandes rames balançantes. Les grappes du sureau rouge tirent l'œil, ou bien quelque pied de digitale pourprée. Il y a des endroits où le soleil semble n'avoir point percé depuis des mondes d'années : c'est sombre, c'est noir, c'est la mort. Une forêt comme celle de la complainte de sainte Geneviève de Brabant, où des ermites peuvent vivre solitaires et qu'on imagine pleine de loups, de renards, de blaireaux. A dix pas, sait-on ce qui se ce cache derrière ces fûts gercés des arbres où la résine met des traînées de suif ? Tout remue, mais remue à peine. Tout est silence, mais un silence traversé de vingt bruits menus. Une belette qui se sauve, un souffle de vent dans la feuille des houx, une fontaine qui s'égoutte derrière la roche. Et lorsque le sentier monte en tournant sous le couvert, à travers les masses de pierres détachées, dans le désordre des sapins penchés sur leurs nœuds de racines, on croirait aller vers des cavernes de faux monnayeurs et de brigands. Pas une âme, et pourtant il semble que quelqu'un soit tapi par là en embuscade. Il faut avoir l'esprit bien fort pour ne pas se laisser gagner par la peur.

 

Gaspard des montagnes, Henri Pourrat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sa vie
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Le fond Amélie Murat

La route est noire. Au long du quai rampe le fleuve
Que hantent les chagrins maudits. Le fleuve est noir.
Nous y boirons l'oubli sans qu'au réveil s'émeuve
Celui qui s'est absout de notre désespoir.


Le ciel est noir comme un pauvre drap funéraire.
Seule, une étoile jaune y brûle à petit feu.
Par delà ce ciel bas et pesant de la terre,
Peut-être est-il un ciel des ciels? est-il un Dieu?


Mais c'est l'ordre du temps que ce Dieu-là permette,
Quand la femme chérit l'amour qui la déçoit,
Que, pour un amour neuf ayant fait place nette,
Le juste marguillier dorme, content de soi.

 


"La Route est noire...", Solitude, 1930

 

 


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Le fond Christian Dedet

"J'ai tiré à dix pas. L'éléphant n'est pas tombé mais, en tournant sur lui-même, il a poussé un barrissement d'une violence inouïe. Ah! ce barrissement!... Jamais aucun hurlement, en forêt, ne m'avait pareillement secoué. C'était de la douleur, bien sûr, mais un cri d'innocence surprise et, plus encore, un chant de guerre à vous glacer le cœur. "

"On imagine le plus souvent que la vie en Afrique est calme, qu'elle est placée sous le signe de l'immobilité. Il n'en n'est rien. Depuis ma naissance et jusqu'à cette ultime remontée du fleuve, j'ai vu mes parents se déplacer sans cesse, chercher fébrilement une paix qui ne se trouve nulle part. "

"[...] j'ai cru voir converger vers moi les quarante pythons qui, pour quelques instants encore, dormaient au-dessus de ma tête comme les festons d'un deuil monstrueux. Avalé par le premier, j'aurais eu la piètre consolation que le suivant, plus gros, bouffe à son tour mon agresseur. Les pythons n'ont-ils pas pour habitude, lorsque le gibier se fait rare, de s'avaler les uns les autres selon une hiérarchie qui tient autant à leur diamètre qu'à leur voracité?"


La Mémoire du fleuve (1984) de Christian Dedet

 

 

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Le fond Jean Anglade

« C’est le hasard, un heureux hasard, je crois, qui m’a fait découvrir que j’étais Auvergnat, qui m’a fait comprendre l’importance d’être Auvergnat… Il faut un certain mûrissement pour apprécier cette qualité d’Auvergnat. Je suis passionné maintenant par l’Auvergne comme autrefois par l’Italie. L’Auvergne c’est mon paradis ».

Propos recueillis par Louis Forez pour Auvergne Magazine (juin 1982)



"La France, l'Auvergne, mes deux patries complémentaires, venaient ainsi à moi subrepticement, par la petite porte. L'une restait confinée dans le bâtiment décrépit de l'école ; elle sentait la poussière, l'encre, le jus de chaussettes. L'autre m'attendait au-dehors, avec ses hectares de ciel, ses montagnes, ses prés, le crottin de ses petits ânes."

Le Pain de Lamirand (2000, réédition de Mes Montagnes brûlées, 1985)

 

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Peu de monde dans la salle des pas perdus. Il consulte le tableau des arrivées et des départs. Le premier train va sur Paris dans une demi-heure. Paris, donc Vichy. Si rien ne se passe dans ces trente minutes, il est sauvé. Les guichets sont ouverts, il prend son billet, va sur le quai, un quai qui s’étire le long des bâtiments et même bien au-delà, un quai désert. Il le suit. Il regarde fuir les rails et briller les signaux. Étoilement du ciel et des voies. En bas, étoilement rouge. Symbole ? Oui, symbole qui l’atteint tout droit, qui l’oppresse. Les voies humaines doivent-elles aboutir dans le sang, fatalement, faute d’aiguillage ? Et même, quelle fragilité ! Depuis qu’il est à Riom, sur quelle étrange voie s’est-il engagé ? Quelle part de hasard, d’instinct, de volonté ?
Il lui semblait se contempler lui-même, se donner un spectacle à lui-même. Il était entré dans une parenthèse, comme le théâtre est une parenthèse à notre vie. Parenthèse qui l’a soustrait à ses habitudes, qui l’a délié, libéré de tout. Libéré ? Libération enchaînée. Il n’avait jamais eu un sentiment d’aussi intense liberté, tout en étant aussi étroitement tenu en lisière ? Sentiment qui s’accouplait avec un état nouveau de son cœur, dû à un choc extraordinaire. Choc qui avait fait place vide, qui avait tout nivelé. […] Coup de foudre ! Gabriel savait  ce que c’était maintenant. Pas d’image plus juste. Un visage, un regard, et l’éclair flamboie, brûle, transmue. On n’est plus qu’élan et certitude. Toute l’âme se précipite en avant. Mais pas la peine de se leurrer. Même pour les poètes, le corps pèse plus lourd.

Le Beau Gabriel, la procession, page 227-228, édition Henri Ogé

 


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