La Bibliothèque du patrimoine de Clermont-Ferrand, soucieuse de valoriser le patrimoine écrit dont elle est dépositaire, vous propose de découvrir son riche fonds d'archives littéraires qui comprend les fonds de Jean Anglade, Christian Dedet, Amélie Murat, Henri Pourrat, Roger Quilliot, Pascal Riou, Jean-Pierre Siméon, Jean Vissouze et des éditions Cheyne.
Ces archives, collectées au fur et à mesure des années, témoignent de la diversité de la création littéraire française. Elles inscrivent aussi le parcours artistique des écrivains et éditeurs titulaires de ces fonds dans le territoire culturel de l'Auvergne, terre d'enracinement ou d'adoption.
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La seconde partie du fonds contient principalement des archives retraçant son histoire littéraire et personnelle : ses manuscrits et tapuscrits témoignant de l'important travail de réécriture autour de ses recueils, ses critiques littéraires publiées dans L’Humanité, son abondante correspondance avec des grands noms de la littérature française, francophone et étrangère - tels que Jean-Pierre Andrevon, Yves Bonnefoy, Stanislas Breton, Michel Butor, Andrée Chedid, Hélène Cixous, Israël Eliraz, Eugène Guillevic, Philippe Jaccottet, Tahar Ben Jelloun, Pierre Seghers, Andrée Sodenkamp, etc. - mais aussi avec des comédiens français (Ariane Ascaride, Juliette Binoche, Michael Lonsdale, Denis Podalydès, Jean-Louis Trintignant, etc.), des photographies de ses interventions en classe et des "Lectures sous l'arbre", des coupures de presse concernant ses publications et toute la documentation reflétant son activité de "militant poétique" notamment auprès des élèves.
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Les portes de la poésie lui ont été grandes ouvertes par son père, Roger, fonctionnaire passionné de littérature -lui-même poète - sa mère institutrice, son oncle peintre et les heureuses influences musicales (Jacques Brel, Georges Brassens, Bob Dylan) de toute la famille.
La bibliothèque familiale regorge de bandes-dessinées, de romans d'aventure et de recueils de poésie parmi lesquels Jean-Pierre Siméon, encore adolescent, découvre Tristan Tzara, fondateur du dadaïsme. Ce sera alors une révélation. Il revendique également l'impact du poète surréaliste Paul Éluard -dont il préface le recueil Poésie volontaire et poésie involontaire- et celle d'Andrée Chedid qu'il admire beaucoup et dont il préface avec Matthieu Chedid le recueil Au cœur du cœur.
Une rêverie surréaliste
Dans ses recueils de poésie comme au théâtre, Jean-Pierre Siméon privilégie la puissance évocatrice des mots et la force des images invoquées pour décrire le monde qui l'entoure.
Son langage poétique se caractérise par l'emploi de métaphores, le rythme musical de ses vers, la force et le nombre très important d'images et sa recherche sur les mots.
De ses poèmes se dégagent des thèmes récurrents se nouant les uns aux autres et révélateurs d'une poétique qui lie le langage au corps, au désir, au cosmos, à la mort (exprimée dans un rapport de dualité avec l'amour) et à la douleur.
Cette douleur est partagée par tous les poètes et Jean-Pierre Siméon explique son accomplissement dans Fuite de l’immobile :
«Plaintif, incanté par sa plainte, il doit s’aguerrir en opprimant ses forces, en se coupant les ailes, en se crevant les yeux, revêtir l’abandon pour seul sortilège, happer dans le rêve avenu, l’avènement de l’épervier, attendre que des mains se joignent sous l’arche de son vol.»
L'éveil des consciences
Très pédagogue, le poète multiplie les interventions pour défendre l'importance de la poésie pour les enfants.
Mais pas n'importe quelle poésie : il œuvre activement pour celle qui permet une infinie liberté et l'explosion des contraintes poétiques. Il désire élever la conscience de ce lectorat à la complexité du monde et pour cela, ses poèmes crient sa révolte contre les injustices faites aux hommes mais favorisent aussi l'évasion dans un univers qui résonne tout entier de sa parole généreuse et engagée.
"L'étendard poétique"
Selon Jean-Pierre Siméon, une seule qualité est requise pour appréhender la poésie : il s'agit de l'attention.
Saisir le sens narratif d'un texte poétique ne suffit pas ; il faut être disponible, prêt à le recevoir comme un présent. Ainsi explique-t-il que « […] si on entend le poème, on comprend immédiatement qu'une autre langue est possible, donc qu'une autre représentation du monde est possible. C'est là l'enjeu de la poésie, un enjeu politique au sens le plus noble du terme. »
La poésie a donc partie liée avec la perception d'une société qui tend à simplifier chaque individu. Elle propose la sauvegarde d'un monde qui témoignerait de la richesse de chaque être.
Pour Jean-Pierre Siméon, « la poésie est un extraordinaire accélérateur de la conscience. Donc, à chaque fois que l'on transmet le poème, on travaille au profond, à l'ouverture des consciences de tous. C'est dire à tout le monde qu'il y a une autre façon de dire le réel. Face à l'information pragmatique, aux discours qui enferment le réel dans des catégories, dans des fonctionnements de pensées, la langue poétique fait effraction. Elle éclaire. »
(Propos recueillis par Guillaume Elmassian, le 26 novembre 2012, article « L'étendard poétique est levé », blog Le Monde)
Jean-Pierre Siméon adopte donc une esthétique éthique et propose l'engagement existentiel et humanitaire du poète et, ce faisant, il prouve que le poète autrefois « maudit » a aujourd'hui et plus que jamais sa place au cœur de la Cité.
BIBLIOGRAPHIE |
Traquer la louve (1978) |
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Jean-Pierre Siméon est né le 6 mai 1950 à Paris. Agrégé de lettres modernes en 1974, il enseigna pendant vingt ans la littérature à l’IUFM de Clermont-Ferrand, ville où il réside aujourd’hui.
Poète, romancier, dramaturge et critique, il a composé une œuvre riche d’une vingtaine de recueils de poèmes mais aussi de romans, de livres pour la jeunesse et de pièces de théâtre.
Poésie
Ses premiers poèmes sont publiés en 1970. Militant de la parole poétique, il crée en 1986 « La Semaine de la Poésie » à Clermont-Ferrand et fut membre de la commission poésie du Centre National du Livre. Il est directeur artistique du Printemps des Poètes depuis avril 2001 et vice-président de la Fédération européenne des Maisons de Poésie. Membre du jury du Prix Max-Pol Fouchet et du Prix Guillaume Apollinaire, Jean-Pierre Siméon a également été conseiller à la Mission pour l'Art et la Culture du Ministère de l'Education Nationale.
En 1983, la rencontre de Jean-Pierre Siméon avec Jean-François Manier marque le début de sa collaboration avec les éditions Cheyne. Il dirige avec Jean-Marie Barnaud la collection « Grands Fonds » à Cheyne éditeur et y publie depuis plus de vingt ans tous ses recueils de poésie.
Son oeuvre poétique a été récompensée du prix Théophile Briant en 1978, du prix Maurice Scève en 1981, du Prix Antonin Artaud en 1984 pour Fuite de l’immobile, du prix Guillaume Apollinaire en 1994 pour Le Sentiment du monde et du grand prix du Mont-Saint-Michel pour l'ensemble de son œuvre en 1998. Il a également reçu en 2006 le prix Max Jacob pour son recueil Lettre à la femme aimée au sujet de la mort et, en 2010, le Prix international de Poésie Lucian Blaga à Cluj (Roumanie).
Théâtre
En poste d’enseignant à Saint-Brice-en-Coglès, il monte Saint-Marc le Bleu en 1979, sa première pièce de théâtre collective. Quelques années plus tard, en 1996, sa pièce L'Homme clos est créée et jouée au Petit Vélo de Clermont-Ferrand et à la Maison de la Poésie (ex théâtre Molière) à Paris.
En 1998, il fonde avec Christian Schiaretti le festival « Les Langagières » - manifestation autour de la langue et son usage – à la Comédie de Reims/Centre Dramatique National où Jean-Pierre Siméon officie en qualité de « Poète associé » pendant six ans (de 1996 à 2001).
Depuis 2003, Jean-Pierre Siméon et Christian Schiaretti poursuivent cette collaboration au Théâtre National Populaire de Villeurbanne.
En 2009, sa pièce Philoctète a été créée à l’Odéon-Théâtre de l'Europe dans une mise en scène de Christian Schiaretti et avec Laurent Terzieff comme interprète principal. Jean-Pierre Siméon consacre un essai au comédien en 2011 dans Ce que signifiait Laurent Terzieff.
Il enseigna parallèlement et jusqu'en 2010 la poésie contemporaine au département des Écritures Dramatiques de l'ENSATT (Ecole Nationale Supérieure Arts et Techniques du Théâtre) de Lyon et il dispense, depuis septembre 2012 des cours d’écriture théâtrale à SciencesPo Paris.
Critique littéraire
Jean-Pierre Siméon collabora comme critique littéraire et dramatique à L’Humanité et participa aux comités de rédaction de plusieurs revues de créations littéraires telles que Jungle, Commune, Faites entrer l'infini ou encore Les Cahiers de l'Archipel.
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Un pouvoir d’attraction
À l’heure de la reproduction et de la numérisation, les documents se banalisent mais le manuscrit conserve tout son pouvoir d’attraction, surtout quand la parole inscrite est celle d’un poète. À travers le papier, unique, raturé, parfois jauni et tâché, c’est la présence de l’auteur qui perdure.
Lors du face à face avec un manuscrit de travail se dénouent les enjeux d’une écriture qui s’affirme, se cherche, se corrige, se perd. Nous devenons spectateurs d’un processus créateur qui s’oriente jusqu’à l’œuvre achevée.
Notre regard est aussi attiré parfois par les traces du quotidien (froissement de la feuille, brûlure, tache de boisson, etc.), des traces aussi insignifiantes qu’émouvantes en ce qu’elles nous invitent à imaginer l’écrivain dans son atelier. C’est la vision moderne du manuscrit qui fait de lui, qu’il soit ébauche, brouillon ou oublié, un témoin précieux du processus de création.
Ici nous voyons les diverses épreuves d'un poème que Pascal Riou adresse à Jean-François Manier et Martine Mellinette (comme le prouve une note au dos de la version finale). Le poème évolue de façon imperceptible mais tous ces petits changements sont nécessaires pour aboutir à sa forme achevée, celle qui satisfait pleinement son auteur.
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L’élaboration d’un recueil
De l'écriture…
Le manuscrit permet de suivre le cheminement emprunté par l’écrivain pour que son poème, d’un premier jet imparfait, accède à sa forme définitive. C’est par le manuscrit que l’on voit se dessiner parfois la poétique des écrivains, fondée sur la liberté de la création ou, à l’opposé, sur la contrainte méthodique. Même achevé, les poèmes de Pascal Riou gardent leur part de mystère.
Écrit parfois au dos d'autres feuillets, ces supports de fortune fournissent à la recherche un repère indiscutable pour la datation du manuscrit.
Se plonger dans les manuscrits d'un poète comme Pascal Riou c'est voir la création en action et en perpétuelle interrogation.
…à la publication
L'éditeur a un rôle de choix dans ce cheminement créatif. Il est celui qui a le privilège d'accéder aux prémices de la pensée poétique, de découvrir une terra incognita.
Premier lecteur, Jean-François Manier, éditeur à Cheyne, guide l'écrivain, remplace des mots, en conseille d'autres, barre des vers, parfois des poèmes entiers. Il soumet parfois l'idée qu'un poème aurait davantage sa place dans un autre recueil, en fonction d'une cohérence littéraire interne qui prouve sa bonne connaissance à la fois de la poésie mais aussi de l'écrivain. Il réceptionne la création et cherche à l'améliorer avec son regard aiguisé mais aussi sa sensibilité personnelle, sans oublier les contraintes régissant la publication de recueils poétiques. Le poète fait des sacrifices, parfois à contre-coeur. On peut alors croire que sa liberté de créer est restreinte mais il faut plutôt considérer ces allers-retours de l’œuvre entre son auteur (Pascal Riou) et son premier lecteur (le correcteur éditeur) comme un processus collectif de publication.
L'empreinte de l'éditeur, Jean-François Manier, est présente et bienveillante. Pour que le voyage soit possible, que l’expérience soit partagée, le manuscrit doit être retravaillé.
La pureté et la justesse d’un poème de Pascal Riou s’acquièrent, paradoxalement, grâce au travail et à la recherche, tout en évitant « l’effet » artificiel.
Le poète construit seul, mais travaille avec son éditeur qui l’invite à creuser un mot, à se livrer, à se retenir, à prendre du recul, à choisir un autre titre.
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Pascal Riou a fait don de son fonds d'archives en 2005 et l'a complété en 2009 et 2012.
C'est son lien avec la maison d'édition Cheyne installée au Chambon-sur-Lignon en Auvergne qui l'a conduit à déposer ses archives à la Bibliothèque du Patrimoine.
Le fonds est constitué principalement de manuscrits, de correspondances et de documents du travail éditorialiste de l'écrivain. On retrouve ainsi tous les manuscrits composant l'œuvre de Pascal Riou dont Cordélia des nuées, Le Jardin dispersé, La Gloire secrète, Il y a beaucoup de demeures ou encore Comme en un jour. Ces manuscrits vont souvent de paire avec des courriers échangés entre Pascal Riou et son principal éditeur, Jean-François Manier.
Cet ensemble est enrichi par une abondante correspondance internationale avec des auteurs reconnus (Julia Kristeva, Yves Bonnefoy) et des traducteurs (Christophe Wall-Romana, Franck André Jamme), ce qui reflète la figure d'intellectuel de Pascal Riou.
Pascal Riou a reçu de nombreuses traductions spontanées de la part de traducteurs étrangers qui souhaitaient être publiés dans Conférence, en même temps que les auteurs auxquels ils consacraient leur travail.
Un dossier de correspondance principal comprend des courriers en lien avec la collection D'une voix l'autre des éditions Cheyne et un autre dossier de correspondance concerne les courriers reçus pour la revue Conférence et ses colloques.
Pascal Riou reçoit également de nombreuses cartes, peintures, photographies et dessins d'artistes contemporains, ce qui prouve sans nul doute le lien très fort qu'il entretient avec l'art pictural, une connexion qui s'exprime à travers ses livres de bibliophilie. En attestent ces cartes poétiques illustrées par l'artiste Christian Gardair, reprenant parfois des vers de Pascal Riou.
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